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CBD-174-F.  Les vents au sol aux abords des bâtiments élevés

W.R. Schriever

À cause du frottement au contact du sol, la vitesse du vent au sol est beaucoup plus faible qu'à une centaine de pieds (mètres) plus haut (dite vitesse du gradient) où il n'y a aucun obstacle. En général, plus une région est construite ou rugueuse, plus la vitesse du vent au sol est faible. Il y a cependant une exception à cette règle. Les bâtiments élevés et élancés ont tendance à faire dévier le vent vers le bas dans des zones qui étaient auparavant protégées. Les vents au sol, dont la vitesse est ainsi accrue, ont des effets désagréables et parfois dangereux pour les piétons. Ce problème se répand de plus en plus en raison du nombre croissant de bâtiments élevés. Les villes qui ont un grand nombre d'immeubles élevés sont devenues les «villes du vent» (windy cities).

Cette notice a pour objet d'analyser l'effet du vent sur les personnes et les changements de la vitesse du vent occasionnés par les bâtiments. Nous étudierons les effets mécaniques qui rendent la marche difficile ainsi que les effets thermiques qui rendent un endroit plus froid.

Effets mécaniques

L'échelle Beaufort, qui a été conçue en 1806 pour la vitesse des vents en mer, puis a été adaptée pour l'usage sur terre pour indiquer les effets du vent sur les personnes, les arbres, etc., constitue un bon point de départ pour notre analyse (tableau I). Les vitesses du vent qui sont indiquées ne sont que des moyennes et peuvent être dépassées par des rafales. Les vents soufflant généralement par rafales entre les bâtiments, certains effets se produiront à des chiffres de l'échelle Beaufort inférieurs aux vitesses indiquées.

Les descriptions du tableau I proviennent de différentes sources,1,2 entre autres le British Building Research Station où on a exposé le personnel à des vents constants dans une soufflerie, tandis qu'en Australie, on a étudié les difficultés que posent les rafales que subissent les piétons près des bâtiments élevés.3 On a constaté que les gens éprouvent des difficultés à se maintenir en équilibre lorsque ces vents atteignent une vitesse de 20 m/s (45 mi/ h), et surtout si les rafales soufflent de côté. Par exemple, si la vitesse du vent passe de 12 à 23 m/s (27 à 52 mi/h) en 2 ou 3 s, certaines personnes ne peuvent s'empêcher de tomber.

Tableau I. Échelle Beaufort et effets du vent sur terre


Chiffre
Beaufort
Vitesse
moyenne en mi/h
Effets

1 1-3 Vent imperceptible. La fumée monte presque verticalement.
2 4-7 Le vent est ressenti sur le visage, les feuilles bruissent.
3 8-12 Les cheveux sont dérangés, les vêtements battent au vent.
4 13-18 La poussière et les papiers sont soulevés, les cheveux sont en désordre.
5 19-24 Le vent est ressenti sur tout le corps. Limite de la sensation agréable du vent sur terre.
6 25-31 La marche devient instable.
7 32-38 La marche contre le vent est pénible.
8 39-46 Risque de perte d'équilibre en marchant.
9 47-54 Danger d'être emporté par le vent.
10 55-63 Arbres déracinés, dommages importants aux structures.

Les vents violents qui ne sont que désagréables aux personnes jeunes et en bonne santé, peuvent présenter un danger réel pour les vieillards et les infirmes, particulièrement si les rues et les trottoirs sont glissants. En 1972, en Grande-Bretagne, deux personnes âgées sont décédées à la suite de blessures à la tête subies lors de chutes dues à des rafales aux coins de bâtiments de grande hauteur. Donc, comme la vitesse des rafales est augmentée par ces bâtiments, l'architecte doit chercher à limiter ces effets.

Effets thermiques

Bien que l'effet thermique (refroidissement) du vent soit aussi un facteur important, il est toutefois plus difficile de l'évaluer, notamment en raison de l'interaction de la température de l'air, du soleil, des vêtements et des activités (production de la chaleur), sans compter le fait que les gens qui vivent dans des climats différents ne réagissent pas de la même façon à la température.

Le problème du confort revient essentiellement à une question de perte de chaleur du corps humain. L'apparition des signes de transpiration et des frissons, a servi de critères à Humphreys4 pour étudier les conditions qui assurent le confort thermique. Par exemple, on a choisi un taux métabolique (représenté par un promeneur) ainsi qu'un gain d'énergie solaire (ensoleillé) déterminés. La figure 1 illustre l'importance de l'influence de la vitesse du vent sur les conditions de confort physique, surtout à faible vitesse.

Figure 1
Figure 1.  Confort physique lors d'une promenade en plein soleil en fonction de la température de l'air, de la vitesse du vent et des vêtements. (Droits réservés. Reproduit avec l'autorisation de directeur, Building Research Establishment, R.-U.)

Protection contre le vent autour des bâtiments

Au niveau des piétons, l'effet qu'exercent les bâtiments sur la vitesse du vent s'exprime par le rapport suivant:

R = 
vitesse du vent au niveau des piétons, avec bâtiments

vitesse du vent à ce même niveau, sans bâtiments

Dans les banlieues où les bâtiments sont bas, les zones de piétons sont généralement soumises à des vents dont la vitesse correspond à des rapports R compris entre 0.5 et 0.7.1 Lorsque le vent frappe un bâtiment élevé et élancé, l'écoulement se modifie (figure 2). Environ aux trois quarts de la hauteur du bâtiment (région de stagnation), le vent se divise. Au-dessus de cette hauteur, il se dirige vers le haut et passe pardessus du toit du bâtiment; au-dessous, il descend et forme un tourbillon devant le bâtiment avant de contourner précipitamment les coins exposés. Ce phénomène contribue à accroître la vitesse du vent dans les zones A et B, où R peut atteindre 1.5 et 2.0 respectivement.

Figure 2
Figure 2.  Schéma de l'écoulement de l'air aux abords d'un édifice élevé et élancé. Remarquer les zones où la vitesse du vent augmente, au niveau des piétons. (Droits réservés. Reproduit avec l'autorisation de Directeur, Building Research Establishment, R.-U.)

Parmi les divers facteurs qui déterminent la vitesse des vents autour d'un bâtiment particulier, il y a la hauteur et la largeur du bâtiment.5 Les valeurs mentionnées s'appliquent à un bâtiment élancé dont la hauteur est au moins quatre fois supérieure à celle des bâtiments qui l'entourent. Lorsque la hauteur n'atteint pas le double de celle des bâtiments environnants, habituellement R ne dépasse pas 1.0.1 La distance en aval sur laquelle on dénote un accroissement de la vitesse du vent, dépend de la configuration des bâtiments environnants; toutefois, elle correspond approximativement à la hauteur du bâtiment le plus haut.

Puisque l'accroissement de la vitesse du vent est principalement dû à la déviation de l'écoulement de l'air vers le bas, la solution au problème consiste généralement à empêcher que l'écoulement n'atteigne le sol. En construisant, par exemple, un bâtiment de grande hauteur sur une grande plate-forme, la zone comprise entre la plate-forme et le sol ne sera pas touchée par la turbulence (figure 3).

Figure 3
Figure 3.  Emploi d'une plate-forme ou un auvent pour éliminer les zones où la vitesse du vent augmente au niveau de la rue. (Droits réservés. Reproduit avec l'autorisation du Directeur, Building Research Establishment, R.-U.)

Fréquence du vent

Avant de construire un nouveau bâtiment, il importe de déterminer la fréquence permise de certaines vitesses de vent dues à la présence du futur bâtiment. Les caractéristiques du vent doivent être exprimées en termes de statistiques. La figure 4 est une représentation statistique de la vitesse moyenne du vent au niveau du vent de gradient pour la ville de Toronto au printemps, saison où il vente le plus. Les différentes courbes indiquent la durée relative durant laquelle la vitesse des vents a dépassé certaines valeurs. En général on ne connaît pas la fréquence de différentes vitesses des vents de gradient, mais il est toutefois possible d'élaborer des graphiques correspondants à partir de la vitesse et de la direction des vents mesurés à une hauteur de 30 pi (10 m) aux stations météorologiques du service de l'environnement atmosphérique.

Figure 4
Figure 4.  Exemple de la répartition probable de la vitesse horaire moyenne du vent (gradient), au cours d'une saison, Toronto. (Aimablement communiqué par A.G. Davenport.)

Il n'est pas facile de calculer l'écoulement de l'air au niveau de la rue en raison de l'interaction des groupes de bâtiments. En général, la seule méthode valable consiste à étudier en soufflerie la maquette du bâtiment en question et de son environnement. De telles études rendent nécessaire l'utilisation d'une soufflerie capable de simuler les propriétés importantes du vent naturel, c'est-à-dire, les changements de vitesse en fonction de l'altitude, la formation de turbulences ou de rafales, par exemple une soufflerie du type utilisé à l'université Western Ontario ou celle de l'établissement aéronautique national de CNR. En faisant pivoter la maquette du bâtiment et de son environnement sur une plaque tournante, il devient possible de mesurer la vitesse des vents au sol pour différentes directions du vent.

Les résultats obtenus en fonction de chaque position de mesure sont résumés à la figure 5 qui illustre d'une part, le rapport de la vitesse du vent au sol par rapport à celui du niveau du vent de gradient au-dessus de la ville, et, d'autre part, la très grande importance de la direction du vent pour les vents de surface.

Figure 5
Figure 5.  Exemple des variations de la vitesse moyenne des vents de surface et des rafales dans les différentes directions. (Aimablement communiqué par A.G. Davenport.)

Lignes directrices

Le degré de confort souhaitable varie beaucoup en fonction de l'activité (marche, promenade, position assise, etc.) Quoique la température constitue un facteur de premier ordre, la présence du vent dans une zone particulière est également importante et peut varier davantage - dans les deux sens - en raison de la conception et de l'emplacement des bâtiments.

A l'aide de la statistique, il est possible de combiner des renseignements comme ceux qui apparaissent aux figures 4 et 5, pour estimer la fréquence relative des vents ayant une force déterminée et pour comparer les résultats à des critères proposés de fréquences acceptables pour différentes activités (tableau II). Ces fréquences6 ont été légèrement modifiées par l'auteur et ne représentent qu'une ligne directrice que l'on doit utiliser avec une certaine réserve, selon les conditions locales qui prévalent. Le British Building Research Establishment7 a publié récemment une étude encore plus détaillée sur ces sujets.

Tableau II.  Tolérances possibles du vent dans les zones réservés aux piétons

Unités: chiffres Beaufort

Les conditions seront:
Activité Zones applicables agréables désagréables pénibles dangereuses
si la vitesse du vent dépasse

Marche rapide Trottoirs 4 5 6-7 8
Marche Entrée 3 4 5 8
Promenade, position
 assise- courte période
Centres d'achats,
mails
2 3 4 8
Position assise
 -longue période
Terrasses de restaurants, kiosques à musique 1-2 2-3 3-4 8
au plus
- une fois
par semaine
une fois
par mois
une fois
par année

Quoiqu'il n'est pas possible d'éliminer toutes les conditions où la force du vent est inacceptable, ces conditions doivent être suffisamment rares à permettre l'emploi prévu des zones pour piétons.

Références

  1. British Building Research Station, Wind Environment Around Tall Buildings. Digest 141, May 1972.

  2. Penwarden, A.D., Acceptable Wind Speeds in Towns. Building Science, Vol. 8, 1973, p. 259-267.

  3. Melbourne, W. H. and P. N. Joubert, Problems of Wind Flow at the Base of Tall Buildings. Paper I, II, Proceedings, Third International Conference on Wind Effects on Buildings and Structures, Tokyo, 1971.

  4. Humphreys, M. A., A simple theoretical derivation of thermal comfort conditions. J. Instn. Heat, Vent. Engrs, 38, 95 (1970).

  5. Wise, A.F.E., Wind Effects Due to Groups of Buildings. BRS Current Paper CP 23/70, July 1970.

  6. Davenport, A. G., communication personelle.

  7. Penwarden, A. D. and A. F. E. Wise, Wind Environment Around Buildings. Department of the Environment, U.K., Building Research Establishment, 1975.

Publié à l'origine en Novembre 1976.

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